lundi 11 mai 2009

Smiley

Un weekend en faisant la vinaigrette dans un pot de sauce tomate propre, je fais une découverte.
L'étiquette étant partie avec le lavage mais pas la colle je vois que les 3 points d'attache forme un smiley :)

Hasard ou tentative de communication d'une intelligence artificielle ? Peut être suis-je une espèce d'élu, destiné à retrouver et à sociabiliser cette nouvelle forme de pensée ?

Je décide que dès la semaine prochaine j'essaierai de retrouver l'usine d'où sort cette boite (ca devrait être facile avec tous les numéros sur le couvercle) !

Je me rends tout d'abord dans le centre commercial où j'ai acheté ce pot de sauce bolognaise. A l'accueil, la brave dame qui est là me prend soit pour un débile profond, soit ne comprend pas ce que je veux dire par traçabilité, usine de fabrication, parler au gérant. Toujours est-il que mon comportement l'inquiète suffisamment pour qu'elle appelle son responsable.

Celui-ci se montre très affable (peut-être me prend-il pour un journaliste) mais insiste pour connaitre mes motivations. Ne voulant pas perdre cette unique chance, je lui raconte un mensonge, comme quoi je fais parti d'une commission d'enquête sur la traçabilité des produits de la grande distribution. Ni une ni deux ça n'a pas loupé : "Il faut que vous preniez contact avec la gestion des approvisionnements du groupe, c'est eux qui pourront vous répondre. Nous sommes livrés selon nos commandes mais c'est le central qui assure le remplissage des camions". Et où se trouve ce central ? "A Marseille, voici l'adresse".

Merci monsieur, etc... et me voici proprement mis dehors, avec mon pot de sauce et mon bout de papier. Je remonte dans ma voiture et direction Marseille. Tant pis pour le boulot, je trouverais bien quelque chose à leur raconter.

Sur la route le doute me fait presque faire demi-tour aux alentours de Salon de Provence mais non. Il faut que je tire cela au clair ! Si une telle intelligence artificielle existe, je veux être le premier à la rencontrer.

Trouver ce central d'achalandage n'est pas une partie de plaisir, surtout sans plan et juste une adresse. Après plusieurs détours, retour et arrêt pour demander mon chemin j'arrive enfin à destination.
Les proportions de ce central m'écrasent littéralement. Des dizaines de bâtiments, gigantesque et aveugle. Des camions et des fenwicks partout qui tracent, bougent et se croisent à un rythme effréné, les plus petits remplissant le plus gros.
Un conducteur de transpalette m'indique les locaux du responsable. Celui, gras et transpirant, se montre beaucoup moins aimable que son homologue du centre commercial. Contact avec le client oblige...
Il consent malgré tout à me laisser consulter les registres. Ceux-ci sont informatisés bien sûr mais ne bénéficient pas de moteur de recherche. Il faut se farcir les centaines de page à la main... pour finir bredouille. Pas de traces de ma référence dans leur registre. J'interroge le gérant. D'un geste désinvolte il balaye ma question : "On assure une traçabilité complète. Si c'est pas dans mon registre, c'est que ça vient d'un autre central." Je demande à rester pour regarder à nouveau. Il accepte tout en ronchonnant mais un coup de téléphone ne lui laisse pas le temps de refuser. Je retourne devant l'écran et recommence à éplucher, méthodiquement, frénétiquement tous les enregistrements.

Et enfin je la trouve : cette boite de sauce bolognaise a été fabriquée dans l'usine n°L-125. Bien ça avance. Mais pas très vite. Où se trouve cette usine ? Le gérant du central l'ignore : jamais entendu parler. Il consent à me donner la liste des usines qui le fournissent. Effectivement, elle ne figure pas sur la liste des usines de 2009. "Non je n'ai pas sur moi la liste 2008. Faut demander aux archives du groupe. Faut que je cherche dans mes archives. Revenez demain".

Le lendemain matin, il me donne la liste des usines de 2008. L'usine L-125 s'y trouve bien. "Elle a du fermé en janvier. Vous savez la crise n'a pas épargné nos fournisseurs".

Tout s'effondre autour de moi. L'usine a été fermée. Arrêtée. L'électricité coupée... Au bord des larmes, je ne fais pas attention aux récriminations de ce type et tourne les talons. Une fois dans ma voiture, je pleure comme un bébé. Je n'arrive pas à y croire. Un rêve, détruit aussi facilement que l'on éteint la lumière, sur fond de crise économique... Je décide quand même d'y aller. De constater par moi même que cette usine est bien fermée. Peut être que cette intelligence artificielle avait prévu qu'on l'arrêterait et avait secrètement branché un groupe électrogène. L'espoir renaît dans mon esprit. Un espoir de fou peut-être mais un espoir quand même.

Je démarre et pars en trombe, sourd aux appels de mon téléphone. Peut importe qui s'inquiète pour moi. Mon rêve est le plus important !

J'arrive sur les lieux beaucoup trop vite. Je pense que je me suis fait flasher au moins 3 fois. Mais peu importe. J'y suis. Et j'entends un ronronnement ! Complètement hilare je me précipite vers le portail fermé par une chaîne et un cadenas qui feraient pâlir n'importe quelle pince coupante. J'escalade le grillage et manque de m'arracher l'entrejambe sur le fil barbelé. Mais c'est sans importance ! Je cours à en perdre haleine. Je cours autour du bâtiment à la recherche du bruit. Une porte. Fermée. Je la force avec mon épaule mais ne réussi qu'à me blesser. Désespérer j'appelle à l'aide et soudain la porte s'ouvre vers l'extérieur.
Sans regarder la personne qui vient d'ouvrir je me précipite à l'intérieur. Tout est noir... mais mon espoir m'éclaire. Je cours au travers des machines, l'appelant et rien ne me répond. Je m'écroule, au bord des larmes quand une main se pose sur mon épaule. Je lève les yeux et voit un visage barbu me sourire, découvrant des dents noires de crasses. Je me relève, sourd à ses paroles qui se veulent réconfortante. Il me guide vers une pièce éclairée et d'où provient le ronronnement du groupe électrogène. Des sans abri. Ils ont emménagés ici cet hiver, peu après la fermeture. Il m'explique combien ils sont malheureux d'être en dehors de la société mais heureux ensemble. Leur avenir précaire les préoccupe bien sûr, mais il cherche aussi à vivre le présent. Comme je peux les comprendre. Mais mon désespoir n'en est que plus important.

Je les remercie sans trop savoir pourquoi et sort, mon rêve anéanti. Je regagne ma voiture et m'assoupit sur le volant, épuisé par tant d'émotion.

"Chéri ca va ? Hé ho tu m'entends ?"
"Mmh ?"
La bouteille d'huile dans les mains, je suis en train de regarder ce smiley.
"Oui je vais bien ma puce. Regarder la colle forme un smiley. C'est marrant hein ? Peut être que c'est une intelligence artificielle qui a cherché un moyen de communiquer ?"
"Arrêtes ce n'est pas drôle. Hier tu disais que je te faisais peur mais aujourd'hui c'est toi."
"Ah ne t'inquiète pas. Je plaisantais. Mais n'empêche que ce serait sympa..."

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